Chaque année aux mois d’avril, mai et juin, une campagne de mesures est menée sur l’ensemble du littoral aquitain. L’objectif de ces levés est de suivre régulièrement l’évolution des formes du relief des plages, dunes et falaises qui marquent les avancées (rares) et reculs du littoral face aux agents marins (vagues, courants) et météorologiques. Pour ce faire, des marqueurs ou indicateurs ont été définis, le plus connu étant le trait de côte [1] caractérisé par l’OCA comme la limite plage-dune sur la côte sableuse, ou sur la côte rocheuse, le pied ou le sommet de la falaise. Mais d’autres indicateurs sont relevés tels que la limite dune-forêt, la dune grise ou blanche, les banquettes dunaires, le haut de plage, la berme [2], les baïnes [3], etc. ; combinant des mesures topographiques précises des formes littorales à des observations de la végétation.
C’est ainsi qu’après chaque hiver, et parfois plus sur certains sites qui le nécessitent, l’ensemble du littoral aquitain est mesuré sur le terrain par l’Observatoire de la Côte Aquitaine. Armés de DGPS (outil combinant un GPS fixe localisé au cm près et un ou plusieurs GPS mobiles), les agents de l’OCA, par équipe de deux ou de trois, arpentent des kilomètres afin de suivre le littoral. Les mesures sont réalisées à basse mer le long de transects (ou profils) orientés perpendiculairement à la côte, depuis la dune ou la falaise en direction de la plage. Le trait de côte est également mesuré au droit de chacun des transects sur quelques centaines de mètres.
Ces levés étant effectués sur des profils identiques année après année depuis plus de 20 ans, il devient possible de quantifier de manière précise l’évolution du littoral, connaissance indispensable à sa gestion. Cependant, ces mesures effectuées par DGPS le long de transects ou du trait de côte, bien que très précises, restent trop ponctuelles dans l’espace et dans le temps pour avoir une vision exhaustive de l’évolution de la bande côtière concernée par les phénomènes d’érosion. C’est pourquoi l’OCA utilise d’autres outils de mesures complémentaires et adaptés selon les environnements.
Une batterie d’outils pour suivre l’évolution de la dynamique du littoral
C’est ainsi une véritable palette d’outils qui peuvent être mis en œuvre pour suivre l’évolution de la dynamique du littoral. Outre les traditionnels repères de terrain (poteaux plantés dans le sol, par exemple) et les DGPS, l’équipe de l’Observatoire peut avoir recours localement au scanner 3D ou sur de plus grandes emprises au Lidar terrestre ou marin (laser déployé depuis un avion ou un hélicoptère permettant une restitution du relief) afin d’acquérir des images tridimensionnelles de haute résolution. Les suivis photographiques aériens ou par drone (permettant une restitution du relief par stéréoscopie), mais aussi au sol ou par imagerie vidéo, sont également des outils que l’OCA déploie. Pour étendre l’horizon temporel des mesures, des supports anciens, comme les photographies, sont utilisés. Cette panoplie est complétée par des mesures en mer basées sur des méthodes acoustiques ou sismiques pour la cartographie des fonds marins (levés bathymétriques, nature des fonds). Enfin, la télédétection spatiale (satellites Spot, Formosat, Pléiades, Terra SAR X ou Sentinel-2) constitue une autre famille d’outils permettant en particulier de couvrir de larges zones.
- Un des agents de l’OCA pendant une mission de suivi à Lacanau
Ces outils de mesure sont déployés selon les besoins spécifiques à chaque site, les emprises géographiques, les fréquences de suivi, les précisions et évidemment les coûts de mise en œuvre. Mais quel que soit le choix de l’outil, les mesures faites au sol par DGPS restent à ce jour indispensables pour garantir la bonne calibration et par conséquent la bonne précision des levés. C’est pourquoi l’OCA réalise une campagne de suivi par DGPS annuellement. Ces outils de mesures et les méthodes de traitement évoluant rapidement, l’OCA assure une veille permanente des technologies les plus adaptées et innovantes pour faire évoluer ses propres stratégies d’acquisition.
Enfin, l’OCA n’étant pas le seul à réaliser des mesures de l’évolution du littoral, il met à disposition de tous l’ensemble des données qu’il acquière. Les principaux bénéficiaires sont les gestionnaires au sein des collectivités locales, bureaux d’étude, laboratoires de recherche, étudiants, etc.
Des méthodes visant à définir des scénarios prospectifs de l’évolution du littoral
A partir des mesures et de la connaissance de l’évolution passée du littoral, des méthodes et outils sont utilisés pour mieux comprendre les phénomènes et réaliser des scénarios prospectifs pour les études de risque. Ainsi pour définir l’évolution du trait de côte, l’approche peut être statistique : en s’appuyant sur les données observées sur plusieurs dizaines d’années. Cette méthode, consistant en une opération statistique géomatique [4] suivie d’une expertise des résultats, permet alors de dresser les tendances historiques et de les projeter sur les années à venir. Des travaux prospectifs de recul du trait de côte aux horizons 2025 et 2050, publiés en décembre dernier, ont ainsi été menés en Aquitaine sur ce principe de calcul.
L’approche peut être plus physique par la mise en œuvre d’un modèle numérique [5] qui permet, par exemple, de représenter le domaine étudié sous forme d’une matrice (grille représentant le relief) et de simuler l’effet des vagues, les courants associés, le niveau marin, les flux de sédiment en résolvant point par point de la grille les équations d’hydrodynamique.
Ces outils et méthodes sont utilisés par l’OCA par exemple en appui à la mise en œuvre des stratégies de gestion. Les suivis réguliers et fréquents du littoral permettent d’adapter et d’utiliser dans les meilleures conditions ces modèles qui eux même viennent en appui de l’expertise scientifique.
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[1] Le SHOM (Service hydrographique et océanographique de la Marine) définit le trait de côte comme le niveau des plus hautes mers dans le cas d’une marée de coefficient 120 et dans des conditions météorologiques normales : pas de vent du large, pas de dépression atmosphérique. Néanmoins, dans le cadre des travaux de l’OCA, une définition plus pratique du trait de côte est adoptée, répondant à des critères géomorphologiques permettant de faciliter sa cartographie en Aquitaine.
Pour la côte sableuse : séparation entre la dune et la plage correspondant, selon la configuration géomorphologique, à l’un ou plusieurs des indicateurs suivants :
- pied de falaise dunaire ;
- rupture de pente topographique ;
- limite de végétation dunaire ;
- ouvrage de protection longitudinal.
Pour la côte rocheuse : séparation entre la falaise et l’estran correspondant, selon la configuration géomorphologique, à l’un des indicateurs suivants :
- sommet de falaise rocheuse ;
- pied de falaise rocheuse (si mesure du sommet délicate, dépend de la méthode de mesure) ;
- ouvrage de protection longitudinal ;
- mêmes indicateurs que pour la côte sableuse, si le site étudié est en fond de baie.
Pour les zones humides côtières vaseuses (marais maritimes, lagunes, lacs, estuaires, etc.) : limite entre le schorre et la végétation continentale.
[2] Une berme est un corps sédimentaire sableux de plage situé sur la zone supérieure de battement de la houle, créé lors des périodes d’engraissement de plage par des houles calmes et régulières. Plusieurs bermes peuvent se succéder sur un profil de plage.
[3] Une baïne (aussi appelée sillon de plage, bâche) est un terme gascon signifiant « petite bassine » et désignant une dépression topographique située sur le bas de plage, dans la zone intertidale, orientée longitudinalement ou obliquement par rapport aux barres sableuses et à la côte.
[4] Cela correspond à une méthode de cartographie numérique s’appuyant sur des systèmes d’informations géographiques (SIG).
[5] Un modèle numérique s’appuie sur des outils de calcul informatique permettant de simuler des phénomènes naturels répondant à des formules ou équations.