Les paysages et leur histoire
La Côte basque présente une importante diversité géologique (cf. illustration ci-dessous). Les terrains les plus anciens affleurant sur le littoral sont d’âge triasique (début de l’ère secondaire). Il y a 220 millions d’années, la région était soumise à un régime marin intermittent qui est à l’origine du dépôt de couches de gypse, d’argiles et de sables littoraux. Ces niveaux n’affleurent qu’au sud-ouest de la plage du Pavillon Royal (Bidart).
Le Crétacé (135 à 65 millions d’années) est en revanche bien représenté puisqu’il occupe la majeure partie des affleurements du littoral. Cette longue période a laissé des dépôts marins appelés « flyschs » [1]. Il s’agit d’une alternance de couches de calcaires, de calcaires marneux et d’argiles. Cette roche s’est formée par l’accumulation des dépôts de glissements de terrain sous-marins se produisant sur les flancs de bassins marins qui existaient alors à la place des Pyrénées actuelles. Le plus ancien flysch qui affleure sur le littoral est celui de Guéthary. Ses calcaires blancs et massifs sont par endroits composés de couches de silice noire et translucide. On le rencontre à deux endroits sur la Côte basque : il affleure dans la baie de Saint-Jean-de-Luz, entre Ciboure et Socoa, ainsi que du sud de Bidart à l’anse d’Erromardie. Au-dessus du flysch de Guéthary, se trouve le flysch marno-calcaire de Socoa. Son dépôt s’est effectué à la suite d’un approfondissement brutal de la mer crétacée. Il affleure entre la baie d’Erromardie et la baie de Saint-Jean-de-Luz et occupe la majeure partie de la Corniche basque.
- Unités litho-stratigraphiques majeures (Borie, d’après Razin, 1989) et log litho-stratigraphique simplifié (Genna et al., 2004) du littoral basque
Le Jurassique (200 à 135 millions d’années), grande période de plateformes carbonatées du milieu de l’ère secondaire, n’est pas représenté sur la côte basque. Les bouleversements tectoniques associés à la formation des Pyrénées n’ont pas permis à ces terrains d’affleurer sur le littoral à l’heure actuelle.
Une baisse du niveau marin est marquée par des apports d’origine continentale dans les sédiments qui se déposent à la suite du flysch marno-calcaire de Socoa, le flysch d’Hayzabia. Les éléments grossiers, apportés par des fleuves, forment des conglomérats. Les sédiments qui forment les derniers niveaux de ce flysch sont essentiellement des grès et des marnes dont les faciès témoignent de la proximité du continent. Le flysch d’Hayzabia affleure sur une partie de la Corniche basque, dans la baie de Loya et à Bidart (plage du Centre). Les dépôts sédimentaires de l’ère secondaire se terminent par les marnes de Bidart. Riches en fossiles, ces roches tendres se sont déposées dans un milieu marin peu profond. On les rencontre en deux endroits de la côte : au niveau des falaises de Bidart et au niveau de la pointe Sainte-Anne à Hendaye.
Le passage entre le Secondaire et le Tertiaire (65 millions d’années) est marqué par une couche de sédiments argileux. Cette couche a enregistré les conditions particulières, témoins du grand changement intervenu à cette époque. Cette limite s’observe dans le Pays basque à Bidart, l’affleurement de la pointe Sainte-Anne a quant à lui aujourd’hui disparu sous l’action de l’érosion. Les premiers dépôts sédimentaires du Tertiaire (65 à 2 millions d’années) sont les calcaires roses du Paléocène (début de l’ère Tertiaire). Ils représentent un milieu marin peu profond de plateforme carbonatée. On les rencontre au niveau de Bidart et à la pointe Sainte-Anne où ils constituent entre autre les rochers des Deux Jumeaux.
À l’Éocène, des calcaires marneux alternant avec des marnes se déposent en milieu marin de plateforme. La vie intense qui y régnait est attestée par les fossiles qu’ils contiennent. Ces roches occupent la majeure partie des falaises, de Bidart à Biarritz. Les dépôts sédimentaires du Tertiaire se terminent par les calcaires gréseux et les marnes de l’Oligocène. Ce sont les témoins de milieux lagunaires et littoraux. Ils présentent de nombreux fossiles marins accumulés pour la plupart sur les cordons côtiers de la dernière mer régionale aquitaine de l’ère tertiaire.
Tous ces terrains ont subi des déformations faibles ou intenses au cours des mouvements de l’écorce terrestre. Ils ont également été érodés. Au-dessus de la surface d’érosion, se sont déposés de nouveaux sédiments dans des milieux continentaux (fluvio-lacustres) qui représentent le Plio-Quaternaire (5 millions d’années à l’actuel). Il s’agit principalement de sables et de graviers.
Le littoral basque français, après 4 km de côte sableuse sur Anglet, correspond à la terminaison méridionale du système de dunes landais, se poursuit vers le sud par des falaises plus ou moins escarpées et localement interrompues par des baies. En fonction de la nature géologique des falaises et du comportement mécanique des roches et de leur mode de dégradation, sept types de côte ont été déterminés (Observatoire de la Côte de Nouvelle-Aquitaine, Genna et al., 2004).
Les risques liés au milieu
La nature des roches joue un rôle primordial dans le mode de dégradation des falaises et dans leur forme : les formations peuvent être meubles et donc fragiles (sables, limons, argiles, marnes, etc.), laissant des formes « adoucies », ou elles peuvent être dures (calcaires, marno-calcaires, etc.), donc moins érodables, donnant généralement des formes plus abruptes. Dans les formations meubles, on retrouve généralement des glissements (ou coulées boueuses), alors que dans les formations dures, éboulements et chutes de blocs sont majoritaires.
Les exemples d’instabilité sont nombreux tout au long du littoral basque. A Harotzen Costa (Guéthary), un glissement de près de 15000 m3 s’est produit en janvier 2004 à la suite de fortes précipitations. Vers la pointe Saint-Martin et Miramar (Biarritz) ainsi qu’à Erretegia (Bidart), des éboulements de près d’une dizaine de milliers de mètres cubes sont survenus ces dernières décennies voire ces dernières années.
- Vue panoramique du glissement d’Harotzen Costa (Guéthary, janvier 2004)
- Plages de Bernain et Miramar (Biarritz) - Eboulements de 1965 et 1974 (en haut) et de 2001
Les falaises sont instables en raison de la conjonction de nombreux facteurs naturels, réunis en deux grands ensembles plus ou moins prégnants selon les sites :
- d’une part, les processus marins en pied de falaise qui, par l’action des vagues, entraînent une érosion sous-marine et aérienne (impact de la houle sur la falaise). Cette dynamique marine peut engendrer des sous-cavages déstabilisant la paroi sus-jacente. Les agents marins (houle et courants côtiers) entretiennent ce processus d’instabilité, en déblayant les matériaux éboulés et en empêchant la formation d’une butée stabilisatrice de pied ;
- d’autre part, les processus subaériens ou continentaux (vent, précipitations, infiltrations, météorisation des roches, haloclastie…) qui agissent sur la face de l’escarpement et au sommet de falaise. Ces processus favorisent par actions chimique et mécanique le démantèlement plus ou moins rapide de la matrice rocheuse, provoquant glissements de terrain, éboulements, effondrements, ravinements…
L’érosion peut être accentuée par les impacts anthropiques, par exemple :
- En haut de falaise, l’urbanisation s’accompagne parfois d’une hausse du toit de la nappe phréatique (irrigation des jardins, fuite des piscines…) et de rejets d’eau de ruissellement quelquefois incontrôlés. Le piétinement sur des sentiers a aussi un effet déstabilisateur.
- Sur les pentes de la falaise, l’aménagement des routes perturbe l’équilibre du versant par le jeu des terrassements (talutages et surcharges liées aux déblais).
- En pied de falaise, l’exploitation des sédiments entraîne un appauvrissement des cordons littoraux naturels qui ont un rôle de protection du pied de la falaise. Tandis que la création d’ouvrages de protection, comme les épis, perturbe les transits littoraux.
De par leur hauteur, les falaises font office de protection naturelle contre certains aléas côtiers dont les submersions marines en particulier. Le platier rocheux dissipe par ailleurs l’énergie mécanique des vagues, ce qui permet de limiter l’érosion en pied de versant. De plus, les matériaux provenant des mouvements de terrain (glissements, éboulements…) servent d’apports sédimentaires pour les plages avoisinantes, permettant éventuellement leur accrétion ou du moins limitant leur érosion. Le rôle de protection naturelle des falaises face aux risques côtiers est donc à préserver autant que possible.
Les récents travaux de l’OCA ont conduit à évaluer qu’en moyenne sur la côte rocheuse basque, le recul chronique du trait de côte est de l’ordre de 0,25 m / an. Sur les seuls secteurs rocheux, les valeurs moyennes de recul total potentiel (recul chronique et recul lié à un évènement majeur) sont de l’ordre de 10 m à échéance 2025 et 27 m à échéance 2050.
Face au risque d’érosion côtière, la stratégie régionale de gestion de la bande côtière mise en œuvre par le GIP Littoral Aquitain dès 2012 propose différents modes de gestion selon les usages, les enjeux et les taux d’érosion. La stratégie régionale, déclinée sur les territoires en stratégies locales, distingue notamment : l’accompagnement des processus naturels (« laisser faire » avec surveillance), la lutte active souple (ex. : végétalisation de haut de plage, reprofilage des plages), la lutte active dure (épis, perrés, digues, etc.) et à moyen terme la relocalisation des activités et des biens menacés.
Les actions de l’Observatoire sur la côte rocheuse
La complexité géomorphologique de la côte basque et des phénomènes qui conduisent à l’érosion du littoral nécessitent d’organiser des suivis réguliers et fréquents de manière à pouvoir apporter toutes les informations nécessaires à la mise en place des stratégies de gestion de manière réactive et opérationnelle. C’est pourquoi, depuis 1996, l’Observatoire de la Côte de Nouvelle-Aquitaine a mis en place des protocoles de mesures sur l’ensemble du linéaire côtier. L’objectif général de ces suivis est de quantifier cette mobilité en combinant des levés de terrain de haute précision (ex. : GPS centimétrique, bathymétrie, scan 3D) avec des moyens de mesure par drone, aéroportés ou par des capteurs satellites (ex. : stéréoscopie, LiDAR, orthophotos). Les fréquences de mesures dépendent des sites et des outils employés, et des levés et observations sont effectués après chaque tempête ou mouvement de terrain significatif.
[1] Un flysch est une formation sédimentaire détritique, souvent très épaisse et rythmique, résultant de la décantation des particules fines. Leur mode de sédimentation est à rapprocher des deltas sous-marins profonds actuels.
Documents
Type | Titre | Chargé le | Poids |
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RP-66277-FR « Caractérisation de l’aléa recul du trait de côte sur le littoral de la côte aquitaine aux horizons 2025 et 2050 » | 21/03/2017 | 94.1 Mo |